Lettres Ouvertes

🌌 Penser le futur. Proche & lointain

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Par Amaury Betton
15 déc. · 2 mn à lire
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COP28 : une nouvelle conférence bullshit ou pas ?

Après deux semaines de conférences, la COP28 organisée à Dubaï et présidée par le Sultan Al Jaber, à la fois ministre de l’Industrie des Émirats arabes unis et PDG d'une grande entreprise pétrolière, s’est achevée ce mercredi. Contre toute attente, le bilan est beaucoup plus positif que prévu. En tout cas, on est loin de l'échec annoncé !

Tenir la COP28 aux Émirats arabes unis, le septième producteur de pétrole au monde, pouvait sembler iconoclaste voire dangereux. Il n’en a rien été. Déplacer la conférence sur le climat au cœur du problème a plutôt été un choix judicieux, et ce, pour trois raisons.

Deux réalités antagonistes qui se font face

La 28ème édition de conférence de l’ONU sur le changement climatique a d’abord permis de mettre en évidence deux réalités concurrentes entrant en collision : 1) la planète est en surchauffe, et 2) l’humanité reste inextricablement dépendante des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). 

Preuve en est : les émissions de CO2 fossiles à l’échelle mondiale devraient atteindre un record historique en 2023 ! Les combustibles fossiles représentent même toujours plus de 80% de la consommation globale d’énergie. 

Source : Global Carbon Project, FTSource : Global Carbon Project, FT

Mettre l’accent sur les sujets qui fâchent

Face à ce constat accablant, les négociations ont porté sur les moyens de réduire ou de supprimer l’utilisation des énergies fossiles. Deux termes ont été au centre des débats : « phase out », ou sortie définitive des énergies fossiles et « phase-down » qui fait référence à une réduction progressive des énergies fossiles. 

Bien entendu, une forte résistance pour un exit pur et simple des énergies fossiles est venue de l’Arabie Saoudite, de l’Inde, de la Chine (premier producteur mondial de charbon), du Nigeria et d’autres pays qui considèrent les énergies fossiles comme un moyen de construire ou de maintenir leur prospérité. 

Pour trouver un compromis, l’Arabie Saoudite a notamment plaidé en faveur de l’utilisation massive des technologies de captation et de stockage du carbone (CCS) qui consistent à piéger le CO2 directement sur le lieu des émissions puis à l’ensevelir sous terre ou sous la mer. Toutefois, la solution est très coûteuse pour le moment. 

Au cours des débats, il a ainsi été beaucoup question d’émissions « abate » ou « unabated », c’est-à-dire avec ou sans technologie de captation du CO2. 

Aboutir à un progrès historique (sur le papier)

Après deux semaines de négociations et malgré les désaccords, le texte final appelle sans détour à une « transition » hors des énergies fossiles. Pour la toute première fois, l’accord final d’une COP fait référence à ces carburants largement responsables du réchauffement climatique. Précision importante toutefois : le pacte conclu n’est pas contraignant. 

Des engagements supplémentaires ont été pris. L’accord comporte ainsi l’objectif de tripler la capacité globale des énergies renouvelables et de doubler le taux d’économies d’énergie grâce à des mesures d’efficacité énergétique d’ici 2030.  

La création d’un nouveau fonds qui aiderait les nations en développement à faire face aux dommages des catastrophes climatiques a également été acté en début de conférence. Il reste à en déterminer la dotation exacte, qui se chiffrerait en centaines de millions de dollars. 

COP28 : quel bilan ?

De mon point de vue, la COP28 est une réussite.

Outre la mention sur la transition « hors des énergies fossiles » qui a demandé de nombreuses heures de négociations, il faut saluer le retour du multilatéralisme dans un monde toujours plus facturé et chaotique. 

Avec plus de 80 000 participants inscrits et presque 200 pays qui parviennent à un accord, la conférence sur le climat a permis à toutes les voix d’être entendues. Il est aussi réconfortant de (re)voir la coopération et la solidarité l’emporter sur l’anarchie et les conflits.   

Petit bémol : les représentants des 39 États membres de l’alliance des petits États insulaires (Aosis) sont restés à la porte lors de l’adoption du texte final. Ils sont pourtant les premiers affectés par les conséquences du réchauffement climatique, à l’image des Tuvalu

Évidemment, les climatosceptiques diront que l’accord ne va pas assez loin avec aucune cible précise pour assurer la transition. Mais, reconnaissons-le, parvenir à un engagement collectif de cette ampleur dans le contexte international actuel est déjà un véritable exploit. 

Amaury