Faut-il un ministre de l'IA en France ?

L’essor spectaculaire de l’intelligence artificielle nécessite de repenser le logiciel politique. Un ministère dédié au sujet pourrait préparer la France aux bouleversements qui s’annoncent. Au préalable, deux conditions doivent être réunies.

Lettres Ouvertes
3 min ⋅ 16/05/2024

En 2017, les Émirats arabes unis sont le tout premier pays du monde à nommer un ministre de l’IA en la personne d'Omar Sultan Al Olama dans le but d’optimiser les services gouvernementaux et les autres secteurs d’activité. Face à l’essor de la technologie, faut-il s’en inspirer aujourd’hui en France ?   

Pour certains, un tel ministère ne changerait rien à la donne. Il pourrait même aggraver les choses, avec une régulation qui viendrait étouffer l’innovation et les investissements. Pour d’autres, un ministre de l’IA permettrait d’amorcer une dynamique vertueuse. Il permettrait d’acculturer les citoyens et de définir un cadre réglementaire adapté (ni trop contraignant, ni trop souple). À deux conditions bien précises, les seconds pourraient bien avoir raison.   

Une technologie toujours plus omniprésente 

Les derniers mois ont montré l’importance croissante de l’IA en termes de compétitivité, de souveraineté et de développement économique. Très clairement, nous avons affaire à une technologie d’usage général, dont les effets touchent tous les secteurs d’activité dans des proportions variables de la banque, à l’éducation, en passant par la défense, le divertissement et la santé. 

Chacun à son niveau commence à le ressentir : l’intelligence artificielle est en train de transformer notre manière de travailler, de s’informer et de créer. Elle pourrait assez rapidement avoir des impacts sur le niveau d’emplois et même modifier la hiérarchie des grandes puissances mondiales. 

Dans un futur plus éloigné encore, l’IA pourrait redéfinir notre place dans l’univers, surtout si des modèles d’IA plus intelligents que nous venaient à apparaître. Il est même question d’un X-Risk, ou d’un risque existentiel pour l’espèce humaine. C’est donc un sujet qui mérite une attention particulière de la part des responsables politiques. 

Une triple mission 

Pour autant, les réserves sur la création d’un ministère de l’IA sont tout à fait compréhensibles. Dirigisme et surrèglementation sont des écueils à éviter. C’est ainsi que deux conditions doivent être réunies avant de se lancer dans un tel projet. En premier lieu, ce ministère devrait avoir un mandat clair, concerté avec les citoyens. 

Le ministre de l’IA aurait une vocation de chef d’orchestre. Son rôle serait triple : encourager les investissements, travailler sur un cadre réglementaire adéquat et garantir une large compréhension des implications éthiques, sociales et économiques de l’IA auprès du grand public. Bien souvent, la méconnaissance suscite la méfiance voire la défiance. Selon une étude du Boston Consulting Group, la France est le pays le plus pessimiste sur l’IA générative dans le monde. 

En second lieu, le ministère de l’IA devra s’appuyer sur une gamme diversifiée de compétences. Il devra réunir, entre autres, des experts en IA et en LLM, en sciences informatiques, des spécialistes en données, des juristes spécialisés dans la régulation de la technologie, des éthiciens, des communicants et des leaders pour guider la stratégie politique. 

L’effet signal 

Il faut noter également que la France ne part pas d’une feuille blanche sur la question de l’encadrement publique des technologies. En 2008, l’économie numérique devient un portefeuille ministériel à part entière. Aujourd’hui, nous avons en France un secrétaire d’État chargé du numérique, en la personne de Marina Ferrari, qui participe à la « mise en œuvre du programme d’investissements d’avenir dans le domaine de la transition numérique ».

Enfin, la création de l’IA serait de nature à déclencher un effet signal. En économie, le concept fait référence à une information donnée par un émetteur qui aide le récepteur à prendre une décision. Pour expliciter les choses, si un gouvernement adopte des politiques favorables à l’innovation technologique, il envoie également un signal aux entreprises et investisseurs, les encourageant ainsi à investir davantage dans ce domaine. Avec un ministère de l’IA, la France enverrait un signal fort à la société civile et aux autre pays.

P.S. : mon article a été publié dans Les Echos !

Amaury

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Par Amaury Betton

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